Notre jardin des plantes
Je me rappelle encore et encore ce rendez- vous. J'étais à l'heure , pas trop en avance , juste à l'heure, et je crevais d'impatience . On avait fixé l'endroit du rendez-vous seulement deux jours avant , et c'est au jardin des plantes , que ce mercredi là , nous nous étions retrouvés. Tu es arrivé en retard, je le savais, tu étais toujours en retard.La vie nous tient dans son tourbillon . Tu disais :"je suis en retard, alors je partirai plus tard". Tu sortais alors de ta poche ce téléphone que tu détestes tant, et je me souviens encore de ce que tu disais à la secrétaire . "oui , c 'est moi , j'appelais pour dire que je serais en retard.Comencez sans moi...."Et c 'était tout. Le temps était rattrapé. Voilà.Ce mercredi là , tu m'as appelé , tu étais assis sur un banc en haut du petit labyrinthe. Je suis venue te rejoindre , nerveuse, comme toujours quand on se rencontrait , et je me suis simplement assise à côté de toi . J'avais peur, je ne sais encore pas pourquoi aujourd'hui,mais je n'aimais pas ce que je resentais alors,une gêne étrange ,je devais déjà sentir le trouble entre nous .Tu étais assis là , sur ce banc, ton porte document à ta gauche qui s 'est retrouvé entre nous . Je m'en souviens bien car tu l'as enlevé de suite et j'ai pensé alors, peut être serait ce une journée ou rien ne viendrait se mettre entre nous.
Tu ne m'as pas embrassé. Pas tout de suite. Mais tes yeux me mangeaient tout rond.
Tu étais aussi nerveux que moi ! quelle paire ! On a échangé des mots futiles , lentement, des mots tremblants.Il faisait chaud, nous sommes redescendus du labyrinthe, tu voulais t'allonger dans l'herbe . J'étais excitée car je savais que tu avais quelque chose pour moi , tu me l'avais dit la veille. Tu m'avais écrit un poème, inspiré de celui de de Musset, Une promenade au jardin des plantes.Tu avais pensé à me l'envoyer, et puis, tu as préféré me le donner en main propre, mieux, tu as préféré me le lire. Dans l'herbe ou nous étions allongés; sous le soleil timide d'avril, je t'écoutais, amoureuse , rêveuse .
Nous étions mercredi. Le premier mercredi du mois. J'étais encore sous l'effet de ta lecture, émue. J'appréciais cet instant d'amour avec toi , et la sirène a sonné midi .C'est là que tu m'as embrassé, que tu t'es décidé à venir enfin poser tes lèvres contre les miennes , brûlantes d'amour pour toi .Plus d'une heure que nous étions ensemble... Nos baisers, du reste de cette belle journée, n'ont pas cessé.
Plus tard, je me suis décidée à t'en reparler. Je voulais savoir pourquoi tu avais attendu autant avant de m'embrasser alors que j'attendais tant nos baisers. tu m'as simplement dit que selon toi , il était bon d'attendre. Je t'ai répondu alors que l'on avait eu de la chance que ce soit le premier mercredi du mois, sinon , pas de sirène, et pas de baiser...Tu souriais malicieusement en ajoutant "Il m'a semblé que c 'était le bon moment et de toute façon , j'en aurai trouvé un autre Angie".
Oui , qu'il était bon d'attendre!
Je vous offre ce poème.
une promenade au jardin des plantes
Sur les bancs endormis,où j'attendais l'amour
Avec tous mes grands airs de rigueur nonchalante
Sous ces bancs d'attente où l'heure est si lassante
Vint a naitre une herbacée au fil de mes détours
De la sinistre ciguë,elle portait tous les atours
Mais à l'étreindre c'était une plante charmante
Belle ombellifère aux yeux ardents,mon amante
J'aurais voulu te survivre,beau contre-jour
Mais qui connaîtra jamais les mots qui me hantent
L'herbe verte est d'une spectatrice si feutrée
Et reste coie devant cette dame belle vivante
J'emporte de toi des éclairs de beauté
L'assurance d'une passion asphyxiante
Et que le tourment aussi est une volupté.
(Fargo pour Angie)